Municipales en Turquie : une leçon de démocratie à toute l’Europe
Si les élections municipales du 31 mars 2019 se sont déroulées dans un climat démocratique, leurs résultats feront certainement couler encore beaucoup d’encre. Zoom sur les principaux points à retenir.
La Turquie entière a retenu son souffle le 31 mars pour connaître les résultats des 1ères élections municipales du nouveau système présidentiel adopté lors d’un référendum en avril 2017 et des 19èmes élections municipales de l’ère républicaine, qui ont débuté en 1840 en Turquie.
Pendant près de deux mois, les partis politiques ont mené leurs campagnes électorales dans un climat démocratique où ils ont ouvert des bureaux de campagne adjacents en brandissant leurs banderoles et affiches côte à côte.
Une approche « environnementaliste » préconisée par l’AK Parti au pouvoir à l’initiative de son leader Recep Tayyip Erdoğan a été adoptée lors des élections pour éviter la pollution sonore et visuelle. Tous les partis ont ainsi utilisé beaucoup moins de banderoles, de tracts et d’autres documents imprimés au cours de leurs campagnes.
Pour le président Recep Tayyip Erdoğan qui dirige également l’AK Parti, ces élections présentaient une grande importance, ce qui justifie ses 102 meetings en 50 jours. Les candidats des partis ont également été particulièrement actifs et en phase avec l’air du temps en se tournant vers les réseaux sociaux et diffusant leurs vidéos, clips et promesses électorales par le biais des médias numériques.
Lors des élections où environ 57 millions de personnes étaient appelées aux urnes pour voter, le processus électoral s’est déroulé dans un environnement démocratique et transparent : 22 observateurs venus de 20 pays différents se sont rendus dans les différentes villes du pays, notamment à Ankara, Istanbul et Izmir, pour observer les procédures électorales dans les bureaux de vote.
Tout comme les élections présidentielle et législatives du 24 juin de l’année dernière, les municipales aussi ont été marquées par la course de deux alliances : d’un côté, l’Alliance populaire (« Cumhur İttifakı ») entre le Parti de la Justice et du Développement (AKP) au pouvoir et le Parti d’action nationaliste (MHP) et de l’autre côté, l’Alliance de la nation (« Millet İttifakı ») composée du Parti républicain du peuple (CHP), du Bon parti (IP) et du Parti de la Félicité avec le soutien du Parti démocratique des peuples (HDP).
Dans notre étude, nous nous pencherons sur l’analyse des résultats non officiels des élections municipales du 31 mars en Turquie afin d’en faire ressortir les principaux points à retenir.
Taux de participation élevé et résultats surprenants : intérêt flagrant du peuple turc à la démocratie
La première observation que l’on peut faire au sujet des municipales du 31 mars est l’importance du taux de participation des citoyens turcs aux élections, qui a atteint les 84%.
On comprend vite l’importance de ce taux dans un pays cyniquement qualifié tous les jours de « dictature » par les médias occidentaux -tout en sachant qu’il s’agit uniquement des élections « locales » – lorsqu’on le compare avec par exemple celui au second tour de l’élection présidentielle 2017 en France, l’un des moins élevés de l’histoire de la Ve République (74,56%).
Andrew Dawson, président de la délégation envoyée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe afin d’observer les élections locales du 31 mars en Turquie, s’est d’ailleurs dit impressionné par le taux de participation mais aussi par la maîtrise des moyens techniques déployés dans un pays aussi grand que la Turquie afin de faciliter le vote des personnes handicapées et hospitalisées.
Un autre fait marquant fut la victoire du candidat du Parti communiste de Turquie (TKP) à Tunceli. En devenant ainsi le premier maire communiste d’une province turque, Fatih Mehmet Maçoğlu a prouvé de part son parcours que la Turquie est bel et bien une démocratie mature et ouverte à toutes sortes d’idéologies contrairement à ce qui est systématiquement décrit par les médias occidentaux.
Le grand attachement d’Erdoğan à la démocratie malgré son image caricaturale de « dictateur » dans les médias occidentaux
Lorsque le président Recep Tayyip Erdoğan a évalué les résultats non officiels des élections municipales au siège de son parti à Ankara, il a affiché une grande maturité démocratique, ce qui manque certainement à un grand nombre de leaders dans le monde.
« Des mairies ont été gagnées et d’autres perdues par l’AK Parti et l’Alliance populaire. Ces gains et pertes sont l’expression de la volonté du peuple. Cela fait partie des règles de la démocratie. C’est une réalité que nous devons accepter », a-t-il déclaré.
Il a également promis que son parti au pouvoir« corrigerait ses faiblesses », constatées lors des élections locales.
« Dès demain matin, nous allons commencer à travailler pour identifier nos faiblesses et y remédier », a-t-il promis, tout en soulignant pour autant qu’il s’agissait des élections municipales et qu’il continuera d’exercer le pouvoir jusqu’à la fin de son mandat.
L’humilité, la maturité ainsi que le respect d’Erdoğan à la démocratie et à la volonté du peuple dans son discours étaient certainement la meilleure réponse à tous les médias occidentaux qui le qualifient de « dictateur » à longueur de journée.
Heure du bilan : succès mais aussi des leçons à tirer pour les deux alliances
Lorsqu’on fait un bilan provisoire des résultats non officiels des élections, nous pouvons premièrement souligner qu’il s’agit encore une fois d’une « victoire » pour l’AK Parti et l’Alliance populaire. En effet, si l’AK Parti reste le premier parti de Turquie, avec 44,3 % des voix au niveau national lors des municipales -en augmentant même ses voix de 1% par rapport aux précédentes élections municipales et remportant la victoire pour la 15ème fois successive depuis sa création-, l’Alliance populaire est restée majoritaire à l’échelle du pays avec 51,6% des voix.
Or cette victoire est à nuancer puisque l’AK Parti a probablement perdu trois grandes villes, Istanbul, Ankara et Antalya, selon des résultats non officiels -qui restent encore à confirmer puisque l’AK Parti a déposé des recours pour Istanbul et Ankara après avoir constaté des erreurs et irrégularités lors des élections-. La perte de ces grandes villes serait symbolique puisque la capitale mais aussi Istanbul où Erdoğan a commencé sa carrière politique en tant que maire seraient désormais gérés par l’opposition.
Si les raisons de ce recul sont nombreuses, Erdoğan a également reconnu les « erreurs de son parti » à corriger. La période difficile que le pays traverse sur le plan économique explique également dans une certaine mesure ces résultats.
Quant à l’Alliance de la nation qui a comptabilisé 37,55 % des voix, on peut également conclure des résultats qu’il s’agit d’un « bon succès » qui reste néanmoins à relativiser. Succès car pour la première fois depuis longtemps, le principal parti de l’opposition, le CHP, a présenté des candidats ayant adopté des discours plus sensés, posés, rassembleurs et plus en phase avec les valeurs turques. Rappelons par exemple la réaction de Mansur Yavaş, candidat du CHP à la mairie d’Ankara, face à ses supporteurs qui se sont empressés de scander « Nous sommes les soldats d’Atatürk » lors de sa première conférence de presse : « Je serai le maire de tous les citoyens, quelles que soient leurs origines, leur affiliation ethnique ou leur religion. Je compte sur vous pour faire également preuve de respect ».
Toutefois, si les candidats de l’alliance ont remporté la victoire dans les grandes municipalités turques selon des résultats non officiels, ils étaient crédités d’une courte avance sur leurs principaux rivaux. Par ailleurs, si les deux villes symboliques du pays, Istanbul et Ankara ont été reprises à l’AK Parti, leur gestion s’annonce compliquée, le parti au pouvoir y conservant la majorité des mairies de districts.
Un autre détail important à souligner dans ce bilan qui paraît à première vue une belle réussite pour l’opposition est le rôle discret mais majeur joué par le HDP, parti politique connu pour ses liens avec l’organisation terroriste PKK. En effet, le HDP a appuyé l’Alliance de la nation en ne présentant pas de candidat dans l’Ouest du pays « afin d’éviter la dispersion des voix anti-Erdoğan ». Le co-président du HDP, Sezai Temelli, avait d’ailleurs menacé de « faire perdre les grandes villes à l’AK Parti et au MHP » avant les élections municipales. Cette alliance avec les partisans du terrorisme jette de l’ombre sur ce qui paraît être un succès pour le parti de l’opposition, censé défendre les principes kémalistes, l’intégrité territoriale de la Turquie et la paix nationale mais qui n’hésite à s’appuyer sur le soutien d’un parti qui évoque l’existence d’un « Kurdistan » en Turquie, uniquement pour remporter la victoire.
Les Kurdes de l’Est et du Sud-Est tournent le dos au HDP pro-PKK
Si le HDP avait également exprimé que ses électeurs à l’Est du pays voteront pour « le Kurdistan » -en s’attirant les foudres du président Erdoğan et du peuple turc pour l’utilisation de cette expression-, la perte de 4 villes perçues comme le fief du parti -Şırnak, Ağrı et Bitlis remportées par l’AK Parti et Tunceli par le TKP-, réduisant au total plus de la moitié des électeurs du HDP, a démontré que « les citoyens vivant dans les régions de l’Est et du Sud-Est de la Turquie ont pris leur distance avec ceux qui entretiennent des liens avec l’organisation terroriste PKK », comme souligné par le président Erdoğan.
« Je voudrais remercier nos citoyens, en particulier nos frères kurdes, pour s’être appropriés la question de survie, qui nous est sensible », a déclaré Erdoğan en précisant que « ces résultats ont montré que nos frères kurdes ne laisseront pas, ceux qui ont des liens avec l’organisation terroriste (PKK), décider à leur place » et qu’un important programme de réformes sera mis en place dans ces régions.
Ces résultats dans des provinces à majorité kurde ont également été la meilleure preuve du soutien de la population kurde de Turquie envers le président Erdoğan et son parti dans un contexte où les opérations militaires transfrontalières de la Turquie en Syrie sont décrites comme « une lutte contre les Kurdes » dans les médias occidentaux manipulateurs.
On voit clairement que les Kurdes de l’Est et du Sud-Est ont voté en faveur de la paix, de la stabilité et de l’unité nationale et non « le Kurdistan » comme réclamé par le HDP.
Manipulations incessantes des médias occidentaux au sujet des résultats des élections
Dernièrement, nous pouvons évoquer la réaction des médias occidentaux au lendemain des élections municipales en Turquie.
Malheureusement rien d’étonnant : ils ont intensifié leurs attaques contre la Turquie en propageant des informations erronées sur les résultats et en lançant des campagnes de diffamation ciblant le président Recep Tayyip Erdoğan.
Parler de la « défaite », de « coup dur », de « revers cinglant », de « pouvoir ébranlé » alors qu’il ne s’agit que des élections « locales » et qu’Erdoğan conservera le pouvoir jusqu’en 2023 et tout en sachant que l’Alliance populaire a remporté les élections avec plus de 51,6% des voix à l’échelle nationale -ce qui a conduit les leaders mondiaux à féliciter le président Erdoğan pour sa nouvelle victoire aux élections- montre clairement la volonté des médias occidentaux à manipuler leurs lecteurs.
En conclusion, les élections municipales du 31 mars continueront certainement à faire parler d’elles encore longtemps tant les résultats sont intéressants à analyser. Quelques soient les résultats officiels après l’examen des recours, il est important que tous les partis politiques en tirent les leçons nécessaires et que le peuple turc n’œuvre que pour la paix, l’unité et la prospérité nationales sans division et animosité dans le respect des choix et volontés des uns des autres.
Source : www.trt.net.t
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