Développer le Cameroun par la décentralisation : Le mythe de la vie post mortem

Développer le Cameroun par la décentralisation : Le mythe de la vie post mortem

Emeran Atangana Etemé* propose dans cette tribune quelques pistes, quelques attitudes susceptibles d’améliorer l’image des élus auprès de leurs administrés.

La décentralisation consiste en un transfert par l’État, aux collectivités territoriales décentralisées, de compétences particulières et de moyens appropriés pour le développement local, l’amélioration des conditions de vie des populations. Qu’il me soit permis ici de développer quelques pistes de réflexion sur les voies et moyens de développer le pays à partir du bas pour que la décentralisation ne soit pas un simple processus d’émergence des fiefs, une simple occasion d’établissement d’une république des notables sans impact majeur sur la lutte contre la pauvreté ou la qualité de vie des populations. Cette tribune est faite pour conférer aux maires qui se donnent la peine d’acheter un journal, et le lire, les aptitudes et les attitudes favorables à la décentralisation et son objectif principal, le développement de l’homme. Un maire qui veut participer au développement, doit développer les attitudes et aptitudes ci-dessous :

Développer l’écoute

Les visiteurs de tous genres qui veulent entrer dans les bonnes grâces d’un maire ou demander ses services les poursuivent de leurs assiduités. Il est important de prendre son temps pour les écouter. Écouter n’est pas simplement observer le silence ; mais il s’agit d’une véritable activité : assis droit, parfaitement immobile, les mains croisées sur les genoux ou sur la table, vous faites face à votre interlocuteur ; vous écoutez autant avec les oreilles qu’avec les yeux. Vous réfléchissez à ce qu’il dit et à ce que vous avez à dire, de sorte qu’à la fin de l’entretien, la personne qui vous parlait, a la conviction d’avoir été comprise.

Mais une écoute nuancée

L’évidence n’est pas ce qui saute aux yeux, mais ce dont je ne peux douter malgré les efforts. C’est le produit de l’esprit critique, non pas une évidence juvénile, mais une évidence quadragénaire. Écoutez des histoires, des comptes rendus, des plaintes, des pointes de vue, des accusations, des revendications, sans y répondre de façon immédiate et définitive. Il ne faut pas facilement se laisser prendre au jeu des imbéciles à la langue bien pendue, en prenant position, de prime abord, face à des plaintes dont on ignore les tenants et les aboutissants.

Développer une pensée nuancée

La plupart des individus portent des jugements manichéens et immédiats sur les choses, qu’ils cataloguent aussitôt bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses. Vous apprécierez les situations en vue de prendre des décisions sages. La pensée nuancée consiste à refuser de se faire une opinion sur une question, sans être au courant de l’ensemble des informations et des arguments les plus pertinents sur le sujet. C’est la capacité à garder simultanément à l’esprit deux idées opposées, tout en restant lucide.

Développer une pensée affranchie

La pensée affranchie est celle qui est affranchie des émotions. Si nous voulons être sensés, nous devons nous efforcer d’éliminer l’émotion inconsidérée. Dans The Mind of primitive man, (la pensée de l’homme primitif), l’anthropologue Franz Boas, indique que l’homme primitif possède le même genre d’esprit que l’homme civilisé mais, qu’il est plus étroitement lié à l’affectivité. Boas estime que la civilisation n’accroît pas l’entendement, mais diminue l’association des émotions et des idées et qu’elle aide à penser plus clairement.

Promouvoir la gestion participative

Le maire ne doit jamais oublier que dans la commune, il n’est que le Primus inter pares, c’est-à-dire le premier parmi ses pairs. Il est la pièce dirigeante d’un groupe d’hommes et de femmes élus démocratiquement et appelés à travailler ensemble pour définir les objectifs, arrêter les stratégies, élaborer des programmes d’actions et convenir d’un système d’évaluation. Il n’est pas celui qui décide, mais celui qui crée les conditions et avalise les décisions prises par le conseil municipal.

Soumettre ses actes au contrôle éthique préalable

Avant de prendre une décision, avant d’engager une action assurez-vous qu’elle est conforme à l’éthique. L’éthique, c’est le souci des autres. L’existence des autres, les multiples relations entre eux et vous constituent le point de départ le plus universel de toutes les formes d’éthique.

L ’éthique, c’est, au-delà des intentions, ou de la reconnaissance des autres, les conséquences possibles de l’action projetée sur le bonheur des personnes. Il s’agit de discerner ce qui a le plus de chance de rendre possible une vie meilleure à un grand nombre de personnes. L’utilité des actes et du comportement est liée à leurs conséquences pratiques dans les sociétés. On parle d’utilitarisme ou de « conséquentialisme ». Ce n’est plus le bonheur intérieur du sage, la sérénité de l’âme. Il s’agit plutôt du bonheur matériel, des facteurs de bien-être, bref, de tout ce qui est susceptible de diminuer la pauvreté, d’allonger la durée de vie, d’améliorer la qualité des soins ou des transports, des conditions de vie en général.

Soumettre les actes au contrôle légal préalable

Les actes d’un maire doivent avoir un fondement juridique sinon, ils seraient détachables du service et mettraient en cause la responsabilité du maire qui se verrait traîner devant les tribunaux.

Développer la culture du résultat

Le succès d’un maire se mesure à sa capacité d’offrir aux citoyens le plus petit dénominateur commun en termes de bonheur qu’ils sont en droit d’attendre. Comment y parvenir ?

1- Il faut se fixer des objectifs SMART, c’est-à-dire spécifiques, mesurables, ambitieux, réalistes et définis dans le temps. La formulation d’un objectif doit répondre aux questions-clés suivantes : Quel résultat produire ? Pour qui? Quand? A quel prix?

2- Déterminer les priorités. Tous les objectifs ne sont pas prioritaires. Les activités quotidiennes se divisent en quatre catégories : les choses que nous voulons faire et que nous sommes tenus de faire (urgent et important) ; les choses que nous sommes tenus de faire mais que nous ne voulons pas faire (non urgents et important) ; les choses que nous voulons faire mais que nous ne sommes pas tenus de faire (urgent et non important) ; les choses que nous ne voulons pas faire que nous ne sommes pas tenus de faire (non urgent et non important). Le bon gestionnaire se préoccupe sur l’essentiel. En disant non lorsque c’est nécessaire ou c’est impossible, au regard de votre caisse, vous gagnez en crédibilité et vous atteignez facilement vos objectifs.

Le mythe de la vie après la mort Imaginez que vous assistez à un enterrement d’un être cher. Vous ressentez la peine partagée par tous, d’avoir perdu quel qu’un. Lorsque vous vous penchez sur le cercueil, vous vous rendez compte que c’est à votre propre enterrement que vous assistez. Que voulez vous que chacune des personnes qui vous assistent disent de vous? Quel type de responsable avez-vous été d’après elles ? Quelle action, quel succès souhaitez-vous qu’elles valorisent ? Quelle valeur ajoutée votre passage de maire leur a apportée ?

Si vous visualisez en permanence ce mythe, vous serez incité à entreprendre ce que vous désirez que l’on dise de vous à votre enterrement. L’essentiel est de commencer aujourd’hui avec l’image, la représentation du mythe de la vie avant la mort pour redéfinir vos références et réorienter vos priorités. Vous allez alors vous engager dans un vaste programme de travail utile pour la société. Et si tout le monde se prend en charge par son propre ressort, le Cameroun se développera tout seul.

* Conseiller Technique n° 1 au Ministère du Développement urbain et de l’Habitat, Eméran Atangana Etémé a un doctorat 3e cycle en droit public et est Diplômé de l’Académie internationale de Droit constitutionnel de Tunis

http://atangana-eteme-emeran.com

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