Marie Hélène Ngoa-Guislain : une mairesse blanche à la ville-rivière

Marie Hélène Ngoa-Guislain : une mairesse blanche à la ville-rivière

La mairesse d’Akono détonne au milieu des élus locaux du Cameroun et d’Afrique noire de par ses origines et surtout sa peau. Portrait.

Après avoir échoué, en 2002, dans son ambition de remplacer un ” maire autocrate qui n’a jamais réuni son exécutif une seule fois en six ans “, elle préside, depuis juillet 2007, aux destinées de la commune d’Akono dans le département de la Mefou-et-Akono, région du Centre, à 60 km du siège des institutions, Yaoundé. Toutefois, son entrée dans l’exécutif communal date de 1996 lors des premières élections municipales depuis le retour au multipartisme. ” Ceux qui formaient la liste sont venus me chercher. Comme j’étais déjà un peu libérée de l’éducation des enfants qui étaient devenus grands, j’ai accepté”, confie-t-elle.

Elle obtiendra pour son ralliement le poste de deuxième adjoint au maire, poste qui lui donnera l’occasion de promouvoir des idées qui lui sont chères, à l’image de son association, “Amitié-partage pour Akono” (Acapa) qui a permis à la ville rivière de se doter d’un centre culturel.

S’étalant sur 211 km2, Akono est une commune de 20 000 habitants singulièrement démunie, où tout est à construire. “Les revenus sont faibles. Il n’y a pas véritablement une activité génératrice propre à la commune, aucune entreprise installée. Les seules taxes locales proviennent des commerçants et des transporteurs”, précise Mme Ngoa Guislain.

Engagement

Cette Valenciennoise de 71 ans née à Nogent-sur-marne (France) est devenue Camerounaise en 1966 quand elle va décider de lier son destin à celui d’un jeune sociologue, Henri Ngoa, rencontré 3 ans plus tôt et décédé en 1975, qui effectue ses études à l’Université de Lille, dans le Nord de la France. Le couple aura quatre garçons et une fille. Mme Ngoa-Guislain a une carte de membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dirige un exécutif aux couleurs du parti au pouvoir.

Aussi loin qu’elle se souvienne, elle ne tire pas son attrait pour la politique de ses parents. “Notre père n’était pas particulièrement engagé en politique. Parce que d’abord il est de la période difficile. Il a fait 4 à 5 ans de captivité en Allemagne lors de la première guerre mondiale. Mais nous trois, mes deux frères qui restent et moi, on a été engagés en politique, tous”, confesse-t-elle.Elle est obligée de faire le trajet Yaoundé-Akono-Yaoundé, étant donné qu’elle vit dans la cité capitale. Il faut dire que les indemnités de représentation et de fonction de 35 000 Fcfa qu’elle perçoit sont loin de lui permettre de résider en permanence dans sa commune, comme le souhaitait l’ex-Minatd, Marafa Hamidou Yaya.Les projets pour l’amélioration des conditions de vie de ses populations, Mme Ngoa-Guislain en a plein. Comme ce projet vieux de 2 ans, portant construction d’une cité communale de 20 logements qui a buté à l’absence de réserve foncière communale. Ou la réhabilitation d’un bassin de natation dans la rivière Akono. Ou encore la création d’activités génératrices de revenus avec notamment le soutien des femmes productrices de palmier à huile et de manioc, l’électrification du périmètre urbain. Et aussi la promotion de l’écotourisme dans cette ville qui aurait abrité dans la sacristie de l’église une rencontre entre les généraux français Philippe Leclerc et Charles de Gaulle.En 2009, elle a obtenu de haute lutte et supervisé l’aménagement du carrefour d’Akono, profitant ainsi du projet de route bitumée Yaoundé-Kribi qui coupe sa ville en deux et qui sépare la partie urbaine de celle qui constitue un bloc avec la mission catholique. En 2010, elle a finalisé un partenariat avec la commune de Rhinau (France) pour donner un coup de fouet aux opportunités de coopération décentralisée dont peut bénéficier Akono. Entre autres défis qu’elle doit relever dans ses fonctions de maire, il y a les susceptibilités les autorités traditionnelles, “dont le pouvoir se confond parfois avec celui des responsables administratifs”.

Enseignante frondeuse?

Nantie d’un doctorat de troisième cycle de Mathématiques appliquées, Marie-Hélène Ngoa- Guislain a enseigné dès 1968 à la Fondation française d’enseignement supérieur au Cameroun (ancêtre de l’Université fédérale du Cameroun), d’où elle sera limogée en 1994 pour avoir participé à la mise sur pied du Syndicat des enseignants du supérieur (Synes). Son côté frondeur lui vaudra d’être à nouveau remerciée de l’Université catholique d’Afrique centrale en 2000. Son départ de l’Institut africain d’informatique sera, pour une fois, liée à son élection à la tête de la commune de la ville-rivière en 2007. “Je suis la toute première à avoir donné des cours de techniques de calcul et de programmation au Cameroun. C’est en réalité de l’informatique, même si ce n’était pas le nom à l’époque “, dit-elle.

M-H. Ngoa-Guislain est Officier de l’ordre national de la Valeur camerounais et Chevalier de l’ordre des Palmes académiques.

Précedent Aide au dévelopement: La solidarité à l’échelle des territoires
Suivant Architecture: la voûte nubienne comme alternative au logement à bas coût (1ère partie)

Auteur

Kamdem Souop
Kamdem Souop 343 Articles

Écrivain, éditeur et spécialiste de communication sur le changement de comportement social, il a dirigé le journal en ligne www.villesetcommunes.info et la WebTv www.villesetcommunes.tv de 2011 à 2020.

Voir tous les articles de cet auteur →

Vous pourriez aussi aimer

Trajectoire

Hilaire Kouemegne Noubissi : Haro sur le centralisme administratif de la décentralisation

Ce jeune chercheur camerounais s’est illustré par la qualité de la recherche sur le processus de transfert des compétences de l’Etat central vers les collectivités territoriales décentralisées en cours depuis

Trajectoire

Célestine Ketcha Courtès : L’excellence dans le service public de l’eau

Son implication dans l’amélioration des conditions de vie des populations de la commune de Bangangté a transcendé les frontières nationales et lui a permis de recevoir le Prix ONU dans

Trajectoire

Barthélemy Kom Tchuente : l’historien de la décentralisation

L’ancien haut cadre de la Communauté urbaine de Douala a remonté les étapes ayant jalonné le processus de décentralisation au Cameroun au lendemain de la célébration des cinquantenaires de l’indépendance

0 Commentaire

Aucun commentaire pour l'instant!

Soyez le premier à commenter cet article!

Laisser un commentaire